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Steve Carell : 52 ans, toujours plus haut

Star de la comédie américaine, Steve Carell fait des débuts vertigineux dans un rôle dramatique avec le somptueux "Foxcatcher" de Bennett Miller. Rencontre.
Steve Carell blouissant dans Foxcatcher de Bennett Miller

L’histoire du comédien qui révèle une grandeur insoupçonnée dans un rôle dramatique est suffisamment éventée pour qu’on se garde de la relayer ici. Pourtant, sidéré par la prestation de Steve Carell dans Foxcatcher, le changement de registre est bien le thème qu'on s'empresse d'aborder avec lui quand on le retrouve juste après la projection du film à Cannes. "Je n'étais pas trop préoccupé par ma condition d'acteur de comédies. J'ai approché le rôle de la même manière que les autres, en essayant simplement de saisir quelque chose de l’humanité de mon personnage", nous répond-il, clôturant par la même occasion le débat sclérosé. Veste en tweed sur un polo sobre, barbe à peine trop bien taillée, l’acteur de 52 ans arbore un look d’humoriste intello assez éloigné des gags régressifs de 40 ans toujours puceau ou Anchorman, deux films qui en ont fait un des acteurs majeurs de la comédie américaine contemporaine, aux côtés des Will Ferrell, Jim Carrey ou Ben Stiller.

Ce statut, également glané à la télévision dans la version américaine de The Office et aux côtés de l’animateur Stephen Colbert (qui remplacera prochainement David Letterman à la tête du Late Show), Carell ne l’a, à l'entendre, jamais recherché : "J'ai fait carrière dans la comédie par accident, je ne m’attendais absolument pas à connaitre un tel succès", explique-t-il, avant d’enfoncer le clou : "A vrai dire, je ne m’attendais pas à connaître quelque succès que ce soit." Ne pas voir dans ces propos de la fausse modestie. Plutôt une forme de mantra existentiel : "Je me sous-estime peut-être, mais j’ai tendance à me fixer des objectifs raisonnables. Du coup je suis rarement déçu. Quand j’ai commencé, je me suis dit que si j'arrivais à être un acteur professionnel, qui vit de son métier, cela serait déjà fantastique."

"« Je suis toujours la première personne à me marrer à une blague, mais je suis souvent la dernière à en sortir une. »"

Acteur professionnel. En Anglais dans le texte, "a working actor". Un travailleur en somme, droit dans ses bottes, qui après des études d’histoire et une tentative ratée de carrière dans le Postal Service comme facteur, s’est trouvé un certain talent pour le jeu en intégrant la "Second City". Cette troupe basée, comme son nom l’indique à Chicago, a révélé plusieurs futures stars de la comédie, devenant un temps un vivier de talents pour le SNL (y sont passés, en vrac, Bill Murray, Dan Aykroyd, John Belushi). C’est d’ailleurs là que Carell fait la connaissance de Stephen Colbert, avec qui il pose les bases de son comique, fondé pour l’essentiel sur un décalage entre son allure si normale, à peine twistée par un nez plus long que la moyenne, et la folie douce des personnages qu’il interprète, noyée dans un océan de sérieux : "Je suis assez discret dans la vie, explique Carell. Je ne fais pas le clown tout le temps. Je mène une existence assez tranquille à Los Angeles avec ma femme et mes enfants. Je pense que je ressemble en partie à certains des personnages que j'ai interprétés en ce sens." Et l'acteur de poursuivre : "Je ne suis pas particulièrement drôle. Pour dire les choses simplement, je suis la première personne à me marrer à une blague, mais je suis souvent la dernière à en sortir une. Ma femme me chambre beaucoup à ce propos."